Jeudi 5 janvier 2006 4 05 /01 /Jan /2006 20:17
Dans le Monde daté du 3 janvier,
Catherine Rollot signe un papier intitulé
quinze mesures pour améliorer la mixité sociale des grandes écoles.
Le rapport de l'
Institut Montaigne ,
ouvrir les grandes écoles à la diversité, préconise entre autres mesures de tracer une voie de recrutement nouvelle -qui existe déjà, par exemple, pour les instituts de sciences politiques - court-cicuitant les classes préparatoires.
Cela vaut certainement la peine d'être mis à l'épreuve. Dans ce domaine, le retour d'expérience -si l'expérience est honnêtement conduite - vaut bien plus que les débats opposant préjugés à idéologies et idées reçues à a-priori .
Toutefois, je voudrais témoigner de la contribution positive de l'ambiance des prépas, du moins telle que je l'ai vécue à Henri IV de 1956 à 1959. J'étais boursier d'état, de famille modeste et nombreuse. Le proviseur du lycée m'avait inscrit plus en raison de ma juvénilité - je devais fêter mon 17° anniversaire en prépa, donc je pouvais théoriquement aller jusqu'en 7/2 sans être barré par les limites d'âge- que de ma mention au bac !
Certes, j'étais
interne.
C'est peut-être là qu'était cachée la fonction d'égalisation sociale.
Quelles qu'étaient nos origines familiales, que nos parents aient été X-Ponts ou titulaires du certif , ambassadeurs ou menuisiers, nous partagions la même blouse, les mêmes locaux rustiques et monacaux, les mêmes horaires de travail et de repos, la même ambition et la même fraternité.
La mixité sociale résultait de notre cohabitation, chacun apportant à l'autre, de première main, la connaissance de son milieu et de ses usages.
Car cette échelle de Jacob se monte et se descend. Si j'étais avide de pénétrer certains secrets de l'univers des élites politiques, scientifiques, intellectuelles, ceux de mes camarades dont c'était le milieu naturel ne dédaignaient pas de mieux comprendre, en particulier à l'occasion des sauteries du samedi soir ou des sorties du dimanche, les valeurs du monde du petit commerce, de l'artisanat ou des familles ouvrières. Et ils en tiraient eux-aussi bénéfice.
Le régime de l'externat supprime cette occasion d'échanges où l'on ne peut tricher. Il cloisonne, il sépare, il attise les discriminations.
Il n'y avait d'eau chaude que le samedi, nous dormions en dortoirs de cinquante, nous avions tous le même crayon bic, et nous ne nous attachions, pour structurer notre univers estudiantin, qu'aux talents individuels et à la capacité au travail. Dans nos vies familiales et professionnelles, comme nous avons pu le vérifier lors de retrouvailles bien postérieures à notre séparation, nous avions conservé cette tendance à faire passer le mérite avant la naissance.
Si des itinéraires nouveaux d'accès aux grandes écoles s'ouvrent qui accroissent, dans chaque promotion, la proportion d'étudiants issus des classes les plus modestes, comment ces écoles vont-elles s'organiser pour que la fonction de mixage social y soit réalisée ?
Cette nouvelle voirie supprimant l'effet creuset en amont de l'école, et au contraire accroissant au départ la discrimination potentielle en balisant et étiquetant chacun des parcours, un système de mélange est à imaginer pour que les flux ne demeurent pas distincts au sein de l'établissement d'enseignement supérieur.
A supposer que l'orientation proposée soit retenue, les associations d'anciens élèves pourraient très probablement aider les équipes pédagogiques de leurs écoles à imaginer les dispositifs voulus pour réaliser ce mélange, et éventuellement y participer par des interventions spécifiques du genre témoignage et bilan de carrière.
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